• Le soleil à l'horizon

    "La lumière, en nous formant par sa puissance et par ses jeux ce magnifique monde atmosphérique au sein duquel nous vivons, donne naissance à des variations qui sans cesse s'opposent à l'uniformité. La blancheur des rayons du soleil cache en son sein toutes les couleurs et toutes les nuances et l'atmosphère non seulement baigne les paysages terrestres par la réflexion multiple de la lumière dans tous les sens, mais encore elle décompose cette lumière par la réfraction et jette sur notre planète l'ondoyante parure d'un ciel toujours changeant, d'une incessante variabilité d'aspects souriants et sombres."
    Camille Flammarion, "L'atmosphère, description des grands phénomènes de la nature", chapitre II-Le soir, 1872.

     

    L'indice de réfraction

    Je me délecte de lire cet ouvrage ancien "L'air" ( Larousse 1927 ), je livre quelques extraits :
    "La réfraction dépend de l'indice de réfraction de l'air "n" et de la distance zénithale z de l'objet. L'indice de réfraction de l'air mesure combien l'air courbe la lumière qui le traverse. Cet indice est déterminé par le type et le nombre d'atomes ou de molécules par centimètre cube. Dans le vide spatial il vaut 1. (Il correspond à la vitesse de la lumière maximum.)
    Il augmente progressivement en descendant dans l'atmosphère pour atteindre la valeur de 1,0002941 pour la lumière verte dans l'air pur au niveau de la mer.
    La présence de vapeur d'eau diminue la valeur de "n"
    Au-dessus du niveau de la mer, la réfraction est plus faible car l'air est moins dense.
    Pour un observateur situé au niveau de la mer, avec un air sec, la réfraction est de 39 minutes d'arc.

    Comme le diamètre angulaire du soleil est d'environ 30 minutes d'arc, le disque du soleil est déjà entièrement sous l'horizon quand son extrémité inférieure vue à l'oeil touche l'horizon."
    L'indice de réfraction correspond mathématiquement au quotient de la vitesse de la lumière dans le vide et de la vitesse de la lumière dans le milieu réfracté.

     

    Les facteurs de l'indice de réfraction

    La valeur de l'indice dépend du nombre de molécules de gaz : plus il y a de molécules, plus l'indice augmente.
    La valeur de l'indice dépend de la quantité de vapeur d'eau : plus il y a de vapeur d'eau, plus l'indice augmente.
    La valeur de l'indice dépend de la longueur d'onde de la lumière qui le traverse : plus la longueur d'onde augmente, plus l'indice diminue.
      

    La coloration du soleil à l'horizon

     conséquence de la diffusion et de la décomposition de la lumière

    Toujours dans l'ouvrage "L'air" ( Larousse 1927 )

    " Nous constatons que le ciel nous paraît bleu au voisinage du zénith, c'est à dire quand nous le regardons verticalement au dessus de nos têtes. Mais le soir ou le matin, au coucher ou au lever du soleil, on observe que la couleur passe par une succession de teintes dégradées et fondues les unes dans les autres. Ainsi au bleu vif succède un bleu plus clair puis une teinte blanchâtre qui se prolonge, jusqu'à l'horizon même par une série de tons allant du jaune au pourpre avec des couleurs parfois, d'une splendeur merveilleuse et grandiose.
    Comment la théorie de la diffusion va-t-elle pouvoir se tirer de cette difficulté nouvelle ?
    Considérons que le rayonnement arrive du Soleil.
    Une partie de la lumière qui le constitue en est absente : c'est toute celle qui a été diffusée.
    Or les radiations de courte longueur d'onde, les radiations bleues et violettes sont plus diffusées que celles de grande longueur comme les radiations rouges.
    Le violet est seize fois plus diffusé que le rouge, quand les particules diffusantes sont très petites, ce qui est le cas pour les molécules des gaz de l'air.
    Mais quand les particules diffusantes sont plus grosses, ce qui est le cas des poussières qui abondent dans les basses couches, le rouge et le jaune doivent être diffusées dans des proportions plus grandes.
    Cela se produit quand le Soleil est voisin de l'horizon, comme le montre la figure. Alors le rayon horizontal, qui est tangent parcourt dans l'air un trajet OH beaucoup plus long que celui parcouru par le rayon OZ venant du zénith. Ce trajet s'effectue  en grande partie dans les basses couches de l'atmosphère plus riches en poussières.
    La lumière du ciel paraîtra donc jaune et rouge à l'horizon et l'astre semblera d'autant plus rouge qu'il sera voisin de l'horizon.
    On observe les mêmes  apparences pour les levers et couchers de Lune."

    Ce changement de couleur est l'expression de la diffusion de la lumière dans des couches d'air de densité différente.
     

     

     

     

    L'aplatissement vertical du disque solaire

    conséquence de la réfraction atmosphérique

    Dans le passionnant ouvrage de Lynch et Livingston "Aurores, mirages éclipses", un paragraphe intéressant mérite un développement.
    Dans le chapitre sur l'aplatissement du soleil et de la lune à l'horizon, ils écrivent :
    " A quelques degrés de l'horizon, le soleil et la pleine lune n'apparaissent plus circulaires mais sensiblement aplatis. En général, le soleil très aplati est aussi faible et rouge. L'aplatissement du soleil proche de l'horizon est causé par la réfraction atmosphérique. La réfraction augmente rapidement en se rapprochant de l'horizon. Comme le soleil a un diamètre apparent d'environ 30 minutes d'arc, la lumière provenant du bas du soleil traverse plus d'air que la lumière du haut. Elle est donc plus réfractée. La partie basse du soleil est donc décalée vers le haut et est ainsi plus proche de la  partie haute.
    Le soleil est non seulement relevé mais aussi aplati.

    Les facteurs de l'aplatissement

    L'aplatissement dépend de la position du soleil
    L'aplatissement dépend de l'altitude de l'observateur
    L'aplatissement dépend des variations de température

    "L'aplatissement est plus important depuis une montagne que depuis le niveau de la mer à cause de la quantité d'air supplémentaire traversée pour atteindre l'observateur. Vu depuis l'espace, l'aplatissement est deux fois plus fort que depuis le niveau de la mer."

    Toujours dans
    "L'air" ( Larousse 1927 )
    " L'air atmosphérique est un milieu matériel transparent : il ne saurait donc faire exception aux lois qui régissent tous les milieux transparents quand ils sont traversés par un rayon de lumière ; ces milieux imposent au rayon qui chemine à travers leur masse une déviation de sa direction primitive. En un mot, le rayon lumineux subit une réfraction.
    L'air devra donc, lui aussi, faire subir une réfraction aux rayons lumineux qui le traversent.
    La loi de cette réfraction énoncée pour la première fois par Descartes est simple. Si l'on considère un rayon lumineux passant d'un milieu transparent dans un autre de densité plus grande (plus réfringent), il est dévié de sa direction initiale.
    S'il fait, en entrant par le second milieu, un angle i, appelé angle d'incidence, avec la perpendiculaire du milieu, il fera avec cette même perpendiculaire, après y avoir pénétré, un angle plus petit, r qui s'appelle angle de réfraction . "

    La loi de Descartes s'exprime comme n(i) sin i = n(r) sin r
    n(i) étant l'indice de réfraction du milieu incident et n(r) l'indice de réfraction du milieu réfracté.
    L'indice de réfraction correspond au rapport entre la vitesse de la lumière dans le vide et la vitesse de la lumière dans le milieu.

    La figure ci-dessous montre qu'un rayon incident proche de l'interface eau/air engendrera un rayon réfracté plus proche de la verticale.
    La loi n'est pas proportionnelle, il y a un angle réfracté limite (environ 41° pour l'interface eau/air) lorsque l'angle incident approche 90°.
     

    Formes du soleil

    "Lorsque le soleil se couche, son disque nous paraît déformé dans le sens de la hauteur : c'est à la réfraction qu'est due cette apparence. La réfraction se produit dans le sens vertical, qui est celui  de la variation de densité des couches d'air et ne se produit que d'une manière insensible dans le sens horizontal. C'est donc le diamètre vertical de l'astre qui est altéré et cette altération, variable suivant la manière dont se succèdent les densités des couches d'air superposées peut lui donner les apparences les plus curieuses et même les plus invraisemblables." 

     

    Le relèvement apparent du disque solaire à l'horizon, de la valeur de son diamètre

     conséquence de la réfraction atmosphérique


    Le principe est identique lorsque le rayon lumineux traverse des couches d'air de densité croissante au lieu de traverser de l'eau, seul l'indice de réfraction change.

    Toujours dans "L'air" (Larousse 1927)
    "Quand un rayon lumineux provenant d'un astre S pénètre dans l'atmosphère terrestre, il sort du vide pour a pénétrer dans un milieu plus dense, il se rapproche donc de la perpendiculaire, il est réfracté à chaque fois qu'il traverse une couche de densité différente.
    Mais comme la densité des couches d'air va en croissant à mesure que l'on se rapproche du sol, le rayon, après avoir traversé la couche d'air 1 au point A sera réfracté puis pénètrera dans la couche d'air 2 au point B plus dense où il sera encore réfracté puis finira son trajet dans la couche d'air 3 au point C encore plus dense où il sera de nouveau réfracté pour atteindre l'observateur O."
    L'oeil de l'observateur verra l'astre dans la direction S apparent et non pas en vrai
     

    Formes du soleil

     

    La réfraction nous permet d'apercevoir l'astre même quand il est géométriquement au dessous de l'horizon, c'est à dire quand il est couché. 

    Formes du soleil

    Le dessin montre de façon exagérée la trajectoire des rayons lumineux afin de rendre le tracé lisible.
    Par suite du trajet curviligne des rayons du soleil, réfractés par les basses couches de l'air, l'astre peut être encore visible alors qu'il se trouve en réalité juste au dessous de l'horizon.

    En réalité, la réfraction du soleil à l'horizon (disons sur la mer pour être clair) entraîne le relèvement apparent de son image de son diamètre apparent environ. C'est comme si le bord supérieur physique du soleil touchait le bord inférieur de l'image du soleil réfracté.
     

    Le problème de la modélisation et le calcul de la réfraction angulaire

    Toujours dans "L'air" (Larousse 1927)

    "A une hauteur apparente mesurée de 1/2 degré correspond une correction de réfraction de 28 minutes d'angle soit à peine plus petit que le diamètre du soleil.
    Ce n'est qu'à partir de 45° de hauteur que la correction de la réfraction atteint  1 minute d'arc".
    Mais la réfraction ne peut être calculée de façon certaine, mais probable  lorsque l'astre est trop proche de l'horizon.

    Agnes Acker dans son ouvrage "Astronomie, méthodes et calculs" en E5 présente une table de réfraction dans des conditions normales de température (10 °C) et de pression (760 mm de mercure)
     

     

    Formes du soleil

     

    Agnes Acker et Jean Meeus dans son ouvrage "Astronomical algorythms" proposent une formule :
    La réfraction R = 58,3" tan Z - 0,067 " (tan z)^3 valable jusqu'à 75° de distance zénithale.

    Au delà, des écarts apparaissent avec cette formule. 

    Formes du soleil

     

    Si le calcul de la réfraction ne s'effectue pas dans des conditions normales de température et de pression, il faudra multiplier R par P / (760 x (0,962 - 0,0038 T) où P et T sont respectivement la pression et la température.
    facteurs qui influencent lraction
    " La réfraction de la lumière par une masse de gaz dépend de l'indice de réfraction de celui-ci. Mais la loi de Gladstone nous apprend que cet indice varie avec la température. Or dans le cas de l'air, la température varie d'une couche à l'autre, la loi de cette décroissance n'est connue que de façon approchée : la pression atmosphérique, l'humidité, la température sont autant de facteurs difficiles à déterminer et qui influent sur la valeur de la réfraction."

    Les déformations du disque solaire

    Lynch et Livingston auteurs de "Aurores, mirages, éclipses" nous disent :

    "Le soleil couchant n'est pas seulement aplati mais aussi déformé et même quelque peu fragmenté. De telles formes irrégulières résultent de la réfraction par des variations localisées et habituellement stratifiées de densité (et donc d'indice de réfraction) dans la basse atmosphère.
    Le même phénomène se produit lorsque la lune est basse.
    Ces déformations proviennent de variations de l'indice de réfraction de l'air avec l'altitude. Cela peut survenir quand une masse humide se trouve au-dessus d'une masse d'air sec ou quand il y a des gradients de température inhabituels comme des inversions de température. Tout ceci contribue à créer un milieu non uniforme qui peut réfracter la lumière de manière surprenante."